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1 536 professeurs des écoles manqueront à l’appel

Sur 7917 postes offerts aux concours externes de professeurs des écoles, seulement 6 813 ont été pourvus (sans l’académie de Mayotte). Soit une perte de 1 104 postes pour le premier degré dès la prochaine rentrée. Si on y ajoute les concours internes, ce sont 1 536 enseignant·es qui manqueront à l’appel le 2 septembre. Ces pertes, qui se concentrent  sur trois académies – Créteil, Versailles et la Guyane, laissent présager une rentrée sous tension. À l’image des deux dernières années…

Si les différent·es locataires de la rue de Grenelle avaient promis un choc d’attractivité les années précédentes, on notera que les deux derniers – Gabriel Attal et Nicole Belloubet se sont faits plus discrets. Et pour cause, ils se doutaient que cette année encore, les concours ne feraient pas le plein. Jeudi 9 mai, la ministre reconnaissait d’ailleurs des « difficultés de recrutement dans certaines académies« . Elle promettait « une réponse à long terme, qui sera à l’oeuvre dès la rentrée prochaine » faisant référence à la formation initiale que son gouvernement est en passe de modifier – malgré l’opposition de tous les syndicats et le Conseil National des Universités.

Toujours est-il que la rentrée se fera, cette année aussi, dans des conditions plus que dégradées. Le 16 mai dernier, le Café pédagogique alertait sur le nombre de postes perdus aux différents concours du professorat. Avant même le passage des candidats admissibles devant les examinateurs, le premier degré perdait au moins 851 enseignants du premier degré.

C’est dans les académies de Créteil, Versailles et la Guyane que l’hémorragie est la plus forte (à l’heure où nous publions cet article, les résultats de l’admission à Mayotte ne sont pas encore tombés). L’académie de Créteil perd 406 postes sur le concours externe et 161 sur les internes. En Guyane, c’est 119, soit près de 70% des postes ouverts au concours non pourvus. 174 si on y ajoute les pertes sur les concours internes. Dans l’académie de Versailles, ce sont un peu plus de 50% des postes qui sont perdus sur le concours interne et 102 sur l’externe. Ces trois académies, déficitaires depuis de longues années, bénéficient du concours interne exceptionnel (ouvert aux contractuels) et du concours supplémentaires pour Versailles et Créteil. Si le dernier a fait les plein – il y a 595 admissibles dans chacune des deux académies (pour 700 postes ouverts), le second est un échec, seulement 134 admissibles pour un total de 370 postes.

Pas de surprise pour les syndicats

Pour les syndicats, ces résultats sont loin d’être étonnants. « Deux ans après les déclarations du ministre Pap Ndiaye, force est de constater que « le choc d’attractivité » n’a toujours pas eu lieu ! » ironise Guislaine David. « Le nombre de postes perdus au CRPE s’accroît de nouveau« . Pour la porte-parole du premier syndicat des professeurs des écoles, la FSU-SNUipp, « la politique actuelle du gouvernement est responsable de cette érosion massive ». « La perte du pouvoir d’achat des enseignants du premier degré ajouté aux conditions de travail dégradées renforcent le manque d’attractivité« . Et contrairement à la ministre de l’Éducation nationale, Guislaine David estime que ce n’est pas « la réforme de la formation initiale engagée par le gouvernement qui aura un effet sur l’attractivité, notamment avec une année de Master 1 après concours rétribuée à 900€ par mois« . « Déqualifier le métier de professeur des écoles et rabaisser le niveau d’exigences des futurs concours au niveau 3ème – comme le montrent les sujets zéro qui ont fuité sur les réseaux sociaux – ne permettra pas de revaloriser le métier. C’est l’ensemble de la politique éducative, mais également la politique salariale qu’il faut revoir« .

« Si le nombre de postes pourvus s’annonce, légèrement meilleur que l’année dernière, la réalité sera toujours aussi difficile pour la rentrée » alerte Élisabeth Allan-Moreno. « Les rentrées successives de ces dernières années se sont tellement déroulées en déficit de personnels que le contexte n’a cessé de s’aggraver, et qu’il est aujourd’hui difficile d’envisager une préparation sereine et avec moins de tensions. La réalité des besoins des écoles maternelles et élémentaires nécessite une situation bien plus à l’équilibre« . Sur les postes des CRPE supplémentaires, qui devraient faire le plein, la secrétaire générale du SE-Unsa rappelle qu’il « revient au ministère d’assurer à ces futurs enseignants une entrée dans le métier des plus sereines dès le départ pour éviter tout départ ou intention de départ trop rapidement« . Et si, au contraire, les concours internes exceptionnels sont en berne, elle estime que l’explication se trouve dans les conditions d’exercice que connaissent les candidats déjà en fonction d’enseignement. » En école ou en établissement avant de passer le concours, ils ont pu voir que cette année encore, et malgré un discours sur la nécessité de retrouver de l’attractivité, aucune amélioration n’avait pu être observée. C’est sans doute même le contraire lorsqu’on regarde une par une les conséquences sur le climat scolaire ou la charge de travail des consignes relatives à l’idéologie Choc des savoirs  – uniforme, manuels, évaluations…« .  « De façon générale, la problématique de l’attractivité des métiers enseignants, CPE, et PsyEN se retrouve à nouveau cette année alors qu’elle était la première des priorités de Gabriel ATTAL lorsqu’il est arrivé au ministère l’été dernier » ajoute la responsable syndicale. « Aucune mesure n’aura été actée de l’année entière sur le sujet. C’est même bien l’inverse, les restrictions budgétaires, l’absence de perspectives de revalorisation, l’absence de prise en compte des difficultés de l’école inclusive et, de façon non négligeable, le retard conséquent pris sur la réforme de la formation devant ramener à bac+3 l’année de recrutement.
Mises à part les mesures du plan Choc des savoirs, cette année aura été une année blanche au ministère de l’Éducation nationale, alors on ne pouvait envisager de réelles améliorations sur le nombre de postes pourvus aux concours ».

Les résultats des concours du second degré ne devraient pas tarder à tomber. Là aussi, il manquera des enseignants. Avant même le passage des épreuves d’admission, les résultats n’étaient pas encourageants.

 

Résultats du CRPE 2024

Postes Admis Postes en + ou – Liste complémentaire
Aix 385 385 40
Amiens 220 220 50
Besançon 134 134 35
Bordeaux 246 285 32
Clermont 78 85 +7 15
Corse 20 24 + 4 1
Créteil 1037 631 – 406
Dijon 154 154 40
Grenoble 338 375 56
Guadeloupe 24 24
Guyane 152 33 -119  + 11* = -108
Lille 515 515 36
Limoges 72 72 2
Lyon 435 435 45
Martinique 19 19
Mayotte 114
Montpellier 271 275 75
Nancy 264 264 22
Nantes 173 175 70
Nice 274 275 8
Normandie 318 318 46
Orléans-Tours 266 266 62
Paris 215 236 +21 16
Polynésie 15 15
Poitiers 131 131 39
Reims 129 129 35
Rennes 112 131 54
Réunion 133 133 20
Strasbourg 135 164 40
Toulouse 313 318 98
Versailles 1230 640 -590

*Guyane, concours interne exceptionnel, 11 admis

Lorsque le nombre d’admis est supérieur au nombres de postes ouverts au concours, c’est qu’ils ont été pris sur les concours internes.

Des cadres de l’Éducation nationale entrent en résistance

Des cadres de l’Éducation nationale qui annoncent qu’ils n’appliqueront pas les directives ministérielles, c’est rare. Et pourtant. 41 inspecteurs, inspectrices, chef·fes d’établissement, inspecteurs et inspectrices général·es ont prévenu : si l’extrême droite prend le pouvoir, ils entreront en désobéissance. Ils et elles ont lancé une pétition, ils et elles étaient un peu moins de 300 dimanche soir.

« Fonctionnaires d’État, en conscience et en responsabilité nous n’obéirons pas

Nous sommes des femmes et des hommes à la tête d’établissements scolaires, dans les écoles, les collèges ou les lycées de France.

Nous sommes Inspecteurs ou Inspectrices de l’Éducation nationale.

Nous sommes des cadres de l’Éducation nationale, chargé.es de faire appliquer les orientations gouvernementales.

Nous le faisons depuis des années, parfois des dizaines d’années.

Nous le faisons avec loyauté, sérieux, impartialité et rigueur.

Nous le faisons sous des gouvernements de droite, de gauche, du centre.

Nous le faisons sous l’autorité de ministres de droite, de gauche, du centre.

Nous le faisons en fonctionnaire, en serviteur de l’État.

Le 8 juillet prochain, l’extrême droite peut être au pouvoir.

Demain, peut-être, notre prochain ministre issu de ses rangs exigera des cadres que nous sommes d’appliquer des directives, de mettre en œuvre des politiques ou d’organiser un enseignement en opposition avec les valeurs républicaines qui fondent nos métiers et justifient nos engagements.

Nous ne l’accepterons pas. En conscience et en responsabilité, nous n’obéirons pas.

Parce que nous servons l’État, nous déclarons dès aujourd’hui qu’aucun d’entre nous n’appliquera de mesures qui contreviendraient aux valeurs de la République. Nous ne serons pas les exécuteurs d’une politique contraire aux principes qui fondent notre attachement au service public d’éducation.

Nous le disons maintenant avant qu’il ne soit trop tard, avant que notre École ne soit dévoyée, instrumentalisée et serve un projet politique funeste ».

La CP-CNU exige l’abandon de la réforme de la formation initiale

La Commission Permanente du Conseil National des Universités (instance nationale représentative de l’ensemble des sections du Conseil National des Universités), « exige l’abandon des réformes en cours concernant le service public d’enseignement supérieur et de recherche, notamment l’acte 2 de l’autonomie des universités et la réforme de la formation et du recrutement des enseignants » au vu du « contexte actuel issu de la dissolution de l’Assemblée Nationale ».

Indemnités Rep des AED et AESH : le Conseil d’État rejette le recours

Depuis janvier 2023, les AESH et AED perçoivent la prime Rep ou Rep+ lorsqu’ils et elles exercent en éducation prioritaire. Mais pas une prime équivalente à leurs collègues enseignants et enseignantes. Alors que les professeurs touchent 1734 euros brut en REP et 5 114 euros en REP+ – plus une part modulable pouvant aller jusqu’à 702 euros, les AESH et AES se sont vus octroyer une indemnité de 628 euros en REP et 1851 euros en REP+ – plus une part modulable de 254 euros, soit moins de la moitié. Le SE-Unsa avait dès février 2023 décidé de saisir le Conseil d’État pour dénoncer les « sous-primes » pour ces personnels.

Le 28 mai, le Conseil d’État a rendu sa décision le 28 mai et a rejeté la demande du SE-Unsa de leur accorder le même montant qu’aux autres personnels.

Formation initiale : quand la précipitation l’emporte sur la raison

Mercredi 29 mai, le ministère de l’Éducation nationale réunissait les syndicats pour présenter le projet de texte sur la réforme de la formation initiale des enseignants et enseignantes et des CPE. Plusieurs organisations syndicales – les syndicats de la FSU et la CGT Éduc’Action – ont quitté la réunion pour marquer leur désapprobation. Cette réforme, dont les principales caractéristiques avaient « fuité » il y a quelques mois, les syndicats et les personnels des INSPE se mobilisent pour la dénoncer depuis des semaines. Pourtant, la rue de Grenelle semble faire le choix d’un passage en force. Un énième qui n’étonne même plus.

« À trois mois de la rentrée, rien n’est prêt, de nombreuses questions restent sans réponse » dénoncent les syndicats de la FSU qui ont quitté la réunion et voient dans ce groupe de travail « une mascarade de concertation, du cafouillage, de l’impréparation ». « Les formateurs et formatrices ne savent pas quel sera leur avenir et ce qu’ils et elles devront enseigner dès la rentrée 2024. Les étudiantes et étudiants ne connaissent ni les attendus de la formation, ni les maquettes de concours, ni le traitement qui leur sera réservé une fois lauréates et lauréats ». Pour la CGT Éduc’Action, qui a aussi quitté la rencontre, cette réforme est « une occasion de plus pour l’administration d’imposer un projet à marche forcée et de manière précipitée, malgré l’opposition et les alertes de la totalité des organisations syndicales ».

Obligation de service de quatre ans

Si les délais sont largement dénoncés par les organisations syndicales et les personnels des INSPE, c’est aussi la réforme en elle-même qui inquiète. Dans le projet de texte que le Café pédagogique a pu consulter, on découvre par exemple dans l’article 8-1 que les lauréat·es du concours, à leur titularisation, donc après leurs deux années de formation, devront quatre ans à l’institution. « En cas de manquement à cette obligation, les intéressés doivent, sauf si le manquement ne leur est pas imputable, ou qu’il fait suite à la réussite à un concours leur permettant d’accéder à un autre corps ou cadre d’emplois, verser au Trésor une somme dont les modalités de calcul sont déterminées par arrêté du ministre chargé de l’éducation et du ministre chargé du budget ». « Une obligation d’engagement à servir pour quatre ans dans la Fonction publique » qui ne devrait pas mettre fin à la crise d’attractivité des métiers du professorat s’agace la CGT Éduc’Action qui s’alarme des « incertitudes juridiques de cette réforme » et dénonce « l’attaque du statut de la Fonction publique que constitue le statut des élèves stagiaires en M1 ». Élèves qui recevraient une gratification « malgré l’obtention d’un concours de la Fonction publique et n‘auraient pas le statut de fonctionnaire stagiaire ». « Comment des étudiantes et étudiants peuvent-ils aller vers le métier d’enseignant et CPE quand après avoir réussi le concours, elles et ils seront gratifiés de 900 euros par mois et devront s’engager pour quatre ans pour l’Éducation nationale, alors que précédemment les lauréates et lauréats percevaient un salaire de 1 800 euros ? » » interroge quant à elle la FSU.

Quant à l’université, elle n’apparaît absolument pas dans le projet de texte. Aucune occurrence du mot université sur les 42 pages. Le texte évoque, en revanche, à plusieurs reprises une formation mise en œuvre par des « organismes de formation ». Signe de l’arrivée du privé sur le marché de la formation des enseignants et enseignantes ?

Une pièce de puzzle

Guislaine David, porte-parole de la FSU-SNUipp, est très inquiète. « Cette réforme est à envisager avec l’ensemble des dernières annonces. C’est tout un système qui est mis en place. Je ne peux m’empêcher de penser au livre de Xavier Pons où il évoque des puzzles accélérés. Avec toutes ces dernières réformes, on commence à discerner un paysage général ».

Et en effet, lorsque l’on assemble les différentes réformes annoncées ces derniers mois, c’est tout le système scolaire qui semble attaqué. Le choc des savoirs, c’est aussi de nouveaux programmes, qui « sont terribles car ils instaurent des savoirs minimums », c’est le brevet à avoir obligatoirement pour passer au lycée, c’est la généralisation du SNU, c’est le port de l’uniforme… « Quand Gabriel Attal explique que la fin des correctifs c’est pour que les taux de réussite au brevet et au Bac soient plus sincères, il dit finalement que les 80% d’une classe d’âge qui a le bac, ce n’est pas si important. Le projet, c’est de mettre de côté une partie de la jeunesse. Une forme de volonté que tous les élèves n’accèdent pas à de hautes fonctions, aux fonctions de pouvoir. C’est la question de l’émancipation de tous les jeunes qui est remise en cause ».

Et selon la secrétaire générale de la FSU-SNUipp, la réforme de la formation continue vient compléter ce tableau, c’est une nouvelle pièce au puzzle. « L’appellation XXIème siècle n’est pas anodine. Le projet de ce gouvernement est de calquer la formation des futurs enseignants sur ce qui était en cours il y a 100 ans. On va les former aux mathématiques et au français, en occultant toute la richesse de la polyvalence du métier de professeur des écoles. C’est oublié que l’école primaire se nourrit de toute la diversité des enseignants et enseignantes qui y exercent. On voit en filigrane cette idée que l’enseignant n’a pas besoin de réfléchir mais juste d’appliquer une méthode fournie clés en mains par la hiérarchie. L’utilisation de manuels labelisés et les évaluations nationales tous les ans s’inscrivent dans cette logique »

C’est dans trois mois que devra être mise en œuvre la nouvelle formation des métiers du professorat et des futurs CPE. Trois mois pour que les INSPE changent toute leur maquette, trois mois pour que les étudiants et étudiantes fassent le choix d’une formation dont ils ne saisissent pas trop les contours. Si la pénurie de candidats et candidates inquiète – un tiers de la profession partira à la retraite d’ici 2030, justifie-t-elle une telle précipitation ?

Toujours 691 millions à trouver pour 2024

Le 7 mai dernier, les syndicats ont interrogé le ministère sur la façon dont ce dernier aller faire les économies demandées par Bercy après le fiasco de la tentative de récupération des HSE et IMP que le Café pédagogique avait révélé. « Pour l’instant, les économies portent sur les programmes “Vie de l’élève”, « Enseignement scolaire public du premier degré », « Enseignement scolaire public du second degré », « Enseignement privé du premier et du second degré », « Soutien de la politique de l’éducation nationale », “Enseignement technique agricole » » écrit Sud éducation dans un communiqué. « Les leviers d’économie hors masse salariale portent sur l’enseignement scolaire et le soutien à la politique éducative, sur des économies sur l’immobilier et l’informatique, sur le transfert des AESH sur le budget de la masse salariale avec leur passage en CDI ».

Si le ministère a reculé sur les HSE pour cette fin d’année, Sophie Vénétitay, du Snes-FSU, rien ne prédit qu’elles ne seront pas touchées à la rentrée prochaine. « Nous avons eu confirmation que le retour des HSE dans les EPLE ne concernait « que » le troisième trimestre », nous dit-elle. « On en revient donc à la case départ, il reste bien 130 millions d’euros à trouver sur l’année civile 2024 ».

Une inquiétude par Sud éducation qui craint « une baisse du volume des HSE à la rentrée 2024 qui ne se traduira pas par une transformation de ces heures en heures postes, mais par leur diminution au profit du dispositif Pacte avec des ajustements réglementaires – sécabilité de la première part dans le second degré pour les remplacements de courte durée et rémunération via le Pacte des référents harcèlement dans le premier degré ».

Le SNU, qui devrait être écourté de deux jours pour faire des économies, devrait voir son budget plafonné à 120 millions d’euros. Sud éducation et le Snes-FSU appellent à l’abandon du dispositif.

Le Pacte, pour lequel Emmanuel Macron a annoncé, une rallonge de 98 millions devrait évoluer réglementairement. La première brique, les RCP – remplacement de courte durée – deviendrait sécable (passage à 9 heures). « Par ailleurs, pour la rémunération des référents harcèlement, dans le 1er degré, cela se fera par le Pacte et dans le second degré par une IMP », nous indique Sophie Vénétitay.

SUD éducation indique avoir exprimé « son inquiétude quant au devenir de la réforme de la formation initiale lors de ce CSA ». « Le passage du concours à bac+3 est une avancée encore faut-il que la réforme soit mise en œuvre dans des conditions qui permettent la concertation et respectent les conditions de travail des personnels des Inspe et qu’elle soit financée. Or, à l’heure actuelle, le ministère est incapable d’indiquer comment sera financée cette réforme pourtant coûteuse », écrit le syndicat.

Changement de statut des agrégé·es : une volonté de déconcentration ?

Pour le Snes-FSU, le projet de décret sur le statut des professeur·es agrégé·es est un « projet politique qui n’a rien d’innocent ».

« Le projet concerne l’évaluation, la révision de l’appréciation finale de la valeur professionnelle, les avancements et promotions, le classement à l’entrée dans le corps et au changement de grade », écrit le syndicat. « Le recteur ou la rectrice deviendrait compétent·e pour tous ces actes concernant les professeur·es agrégé·es affecté·es dans un établissement d’enseignement du second degré, dans un établissement d’enseignement supérieur ou dans un service ou établissement placé sous son autorité. Les agrégé·es deviendraient donc un corps à gestion déconcentrée ».

Pour le syndicat, qui fait le lien avec les propos de la ministre sur une possible régionalisation des recrutements, « ce projet, censé répondre à des objectifs d’amélioration de la gestion des personnels et de raccourcissement des délais, est en réalité un acte politique grave qui s’inscrit dans une politique de déconcentration dont les limites ne sont pas clairement posées ».

« Ce projet est éminemment politique et n’a rien d’innocent. Il touche à l’identité d’un des derniers corps à gestion ministérielle avec celui des chaires supérieures » conclut le SNES-FSU pour qui « il faut au contraire maintenir la cohérence d’une gestion nationale du corps des professeur∙es agrégé∙es et de son corps de débouché, le corps des professeur∙es de chaires supérieures. Il s’inscrit dans la logique des attaques contre le statut général de la fonction publique et les statuts particuliers, alors que le ministère de la fonction publique prépare un nouveau projet de loi visant à prolonger les reculs actés par la loi d’août 2019 dite « loi de transformation de la fonction publique » : toujours moins de garanties pour les collègues, toujours plus de prérogatives pour les échelons hiérarchiques déconcentrés! »

L’article

Rentrée 2024 : au moins 952 postes perdus

À la rentrée prochaine, il manquera au moins 1059 professeurs des écoles – sûrement beaucoup plus, et au moins autant d’enseignant·es dans le second degré. Les résultats de l’admissibilité aux concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE) et du CAPES sont tombés. 11 390 candidats admissibles pour 7 917 postes dans le premier degré (soit un ratio de 1,44) et 6 317 pour 5 067 postes dans le second degré (un ratio de 1,24) Des chiffres encore plus mauvais que lors de la dernière session du concours pour le second degré (pour rappel, 20% des places étaient perdues à la rentrée 2023). Pour le premier degré, on note une légère amélioration, le ratio passe de 1,42 à 1,44 (en 2023, c’était 15% des postes à pourvoir au CRPE qui étaient perdus). 

Dorénavant les résultats sont publiés sur le site Cyclade, autant dire qu’il faut être motivé·e pour avoir une idée du nombre de candidat·es admissibles. Les chiffres ne sont pas affichés et il faut comptabiliser un par un et discipline par discipline les heureux lauréats de la première partie de ces concours du professorat. Le Café pédagogique vous livre le détail des résultats d’admissibilité par concours.

Concours de professeurs des écoles : toujours les mêmes académies en grande difficulté

Dans le premier degré, 11390 candidat·es sont admissibles au CRPE – Concours de Recrutement des Professeurs des Écoles – pour 7 917 postes. Soit un ratio de 1,42 (le ratio est le nombre de candidats admissible par poste).

La prochaine rentrée scolaire risque donc d’être problématique dans bon nombre d’académies. Dans l’académie de Créteil, pour 1 037 postes, seulement 733 candidat·es sont admissibles. Dans celle de Guyane, c’est 61 pour 152 postes, et à Versailles, 744 pour 1 230. En tout, ce sont donc d’ores et déjà 851 postes qui ne seront pas pourvus sur ces trois académies déjà fortement déficitaires. Dans les autres académies, ce n’est pas beaucoup plus rose. S’il y a au moins encore un candidat·e en lice par poste, les ratios de certaines sont peu rassurants. À Paris, par exemple, c’est 290 admissibles pour 215 postes.

D’autres académies quant à elles se portent toujours très bien. C’est le cas de la Martinique (avec un ratio de 3,32), Poitiers (2,55) et la Corse (2,5).

Ces ratios sont assez révélateurs des disparités de niveau de recrutement entre les territoires et donc du niveau de sélection. Lors de la dernière session du concours, on notait sur certains territoires des niveaux d’admissibilité aux alentours de 6/7 sur 20, quand dans d’autres, il était plus proche des 14/15 .

Capes : Toujours pas assez de professeurs en allemand et en lettres

Dans le second degré, les résultats de l’admissibilité sont tout autant inquiétants. En mathématiques, pour 1 040 postes, il n’y a que 1 254 candidat·es admissibles, soit un ratio de 1,2. En lettres classiques, c’est toujours l’hécatombe. 63 candidat·es sont admissibles pour 90 postes. Les lettres modernes ne se portent pas beaucoup mieux puisque le ratio est de 1,07, soit près d’autant d’admis que de postes ouverts. Pour l’éducation musicale et le chant choral, ce sont 128 admissibles pour 122 postes.

En physiques-chimie, les résultats sont annoncés pour aujourd’hui. Les chiffres de l’année dernière étaient mauvais, 440 admissibles pour 409 postes, peu de risque qu’ils soient bien meilleurs cette année.

Les concours qui se portent le mieux sont ceux de philosophie (avec 324 admissibles pour 140 places) et les sciences de la vie et de la Terre (622 pour 295).

Nicole Belloubet reconnait la crise du recrutement et compte sur la réforme de la formation

Si en 2023 Pap Ndiaye, alors ministre de l’Éducation nationale promettait un « choc d’attractivité », force est de constater que Nicole Belloubet est beaucoup plus prudente. Sur France Info jeudi 9 mai, la ministre reconnaissait des difficultés de recrutement pour la rentrée prochaine « dans certaines académies ». « Nous le savons », a-t-elle affirmé. « Nous allons devoir recruter des personnels contractuels. Cela fait plusieurs années que nous sommes en but à cette difficulté, mais nous avons une réponse sur le long terme qui sera à l’œuvre dès l’année prochaine. Nous allons modifier la formation initiale ». « C’est une réforme structurante et enthousiasmante, car nous allons dire aux profs qu’à partir du mois de mai de l’année prochaine vous allez pouvoir passer le concours à bac+ 3 et dans les années qui suivent vous allez être indemnisés ou rémunérés – 900 euros pour la première et 1800 euros pour la deuxième », a ajouté la ministre. Une phrase qui laissera perplexes les personnels des Inspe, mobilisés contre cette réforme, mais qui nous permet d’apprendre que finalement ce seront 900 euros et non 1 400 euros que seront indemnisés les professeurs-élèves lors de la première année après le concours (L’Élysée avait annoncé 1 400, Matignon 900).

Si Pap Ndiaye, et son prédécesseur actuellement à Matignon, Gabriel Attal, comptaient sur leur « revalorisation historique » pour s’attaquer à la crise du recrutement des métiers du professorat, la ministre actuelle fait le pari de la réforme de la formation.

Mais en attendant, on peut d’ores et déjà annoncer que la rentrée 2024 sera à l’image des deux précédentes : très compliquée.

 

Pour le CAPES

Discipline Postes Admissibles Ratio
Arts plastiques 98 165 1,68
Documentation 122 198 1,62
Éducation musicale et chant choral 122 128 1,04
Histoire et géographie 627 1083 1,72
Langues vivantes étrangères : allemand 165 97 0,58
Langues vivantes étrangères : anglais 784 1064 1,35
Langues vivantes étrangères : espagnol 287 471 1,64
Lettres : lettres classiques 90 63 0,7
Lettres : lettres modernes 698 749 1,07
Mathématiques 1 040 1254 1,2
Numérique et sciences informatiques 55 99 1,8
Philosophie 140 324 2,31
Physique chimie 429 Résultats le 13.05
Sciences de la vie et de la Terre 295 622 2,10
Sciences économiques et sociales 115 Résultats le 13.05

Pour le CRPE

Postes Admissibles Ratio
Aix 385 624 1,62
Amiens 220 328 1,49
Besançon 134 266 1,99
Bordeaux 246 483 1,89
Clermont 78 179 2,29
Corse 20 50 2,50
Créteil 1037 733 0,71
Dijon 154 300 1,95
Grenoble 338 597 1,77
Guadeloupe 24 50 2,08
Guyane 152 61 0,40
Lille 515 912 1,73
Limoges 72 119 1,64
Lyon 435 768 1,71
Martinique 19 63 3,32
Mayotte 114 Résultats le 2205
Montpellier 271 542 2
Nancy 264 383 1,45
Nantes 173 314 1,82
Nice 274 413 1,51
Normandie 318 662 2,08
Orléans 266 435 1,64
Paris 215 290 1,35
Poitiers 131 334 2,55
Reims 129 245 1,90
Rennes 112 243 2,17
Réunion 133 290 2,18
Strasbourg 135 319 2,36
Toulouse 313 689 2,20
Versailles 1230 744 0,60

 

Suppression des heures supplémentaires des enseignants : le ministère fait machine arrière

Après avoir annoncé aux profs cette semaine la fin de leurs heures supplémentaires, la rue de Grenelle est revenue sur sa décision, ce mercredi 1er mai, face à la colère de la profession. Ces dispositifs permettent notamment de mettre en place des projets culturels et d’organiser des examens blancs.

par Elsa Maudet

publié aujourd’hui à 18h17

Voilà une mobilisation, au moins une, qui aura porté ses fruits. Et sacrément vite. Alors que la colère commençait à monter chez les enseignants et, surtout, chez les chefs d’établissement, le ministère a décidé, ce mercredi 1er mai, d’annuler une décision prise brutalement quelques jours plus tôt : la suppression, ou a minima la réduction, des heures supplémentaires des professeurs. Si le sujet peut sembler technique et lointain à qui n’est pas du sérail, il a des répercussions très concrètes sur la vie des élèves.

Les heures supplémentaires effectives (HSE) et les indemnités pour mission particulière (IMP), touchées par cette décision, servent à rémunérer des enseignants qui mènent des projets. Club théâtre, aide aux devoirs via le dispositif Devoirs faits, lutte contre le décrochage scolaire… Chaque établissement dispose d’une enveloppe d’heures chaque année, qu’il répartit selon ses projets pédagogiques, ses priorités. En 2023, 333 millions d’euros ont été utilisés pour rémunérer les HSE, 161 millions pour les IMP.

Rébellion et communiqué lapidaire

Le ministère de l’Education nationale est censé rendre 683 millions d’euros au titre de l’effort collectif du gouvernement sur le budget 2024. Ainsi donc, fut-il décidé de récupérer les heures sup budgétées mais encore non utilisées. En début de semaine, des recteurs ont annoncé aux chefs d’établissement qu’ils ne pourraient plus en distribuer, au moins le temps que soient réévaluées (à la baisse) les enveloppes. Les serveurs sur lesquels sont déclarées ces heures ont, dans la foulée, été brutalement coupés. Des principaux et proviseurs ont annoncé à leurs enseignants qu’ils stoppaient net tous les projets.

«Tous les clubs divers et variés (arts plastiques, danse, échecs…) qui ouvrent les horizons intellectuels des élèves sont fermés. Le soutien natation, pour ceux qui ne savent pas nager, saute aussi, alors que c’est fondamental», nous alertait Sylvain (1), professeur d’EPS dans un collège des Hauts-de-Seine. Nombre d’examens blancs (de brevet, bac et grand oral) risquaient également de disparaître.

L’affaire est sortie dans la presse mercredi matin, tandis que les chefs d’établissement parlaient rébellion. Quelques heures plus tard, le ministère a annoncé, dans un communiqué lapidaire envoyé aux journalistes : le Premier ministre et la ministre de l’Education «ont souhaité que les établissements scolaires continuent à disposer des moyens de mener à bien leurs missions. En conséquence, la ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse a donné instruction pour que, dès [jeudi 2 mai], les académies recouvrent les moyens budgétaires initialement notifiés afin de poursuivre l’attribution d’heures supplémentaires dans les établissements».

«La confiance est écornée pour un long moment»

La nouvelle est accueillie avec une certaine circonspection. «Je ne comprends pas la logique de l’affaire, pourquoi balancer ça et revenir dessus la veille de la mise en place ? Ils naviguent vraiment à vue. S’il faut, demain, ils vont nous dire que ça recommence. On touche le fond», se désole Sylvain. «Ça interroge, j’ai du mal à croire que les choses puissent être improvisées à ce point à ce niveau de responsabilité», abonde un proviseur adjoint d’un lycée parisien.

Nicolas Bray, proviseur à Paris et secrétaire académique du SNPDEN-Unsa, reconnaît «une forme de satisfaction». Mais «la confiance est écornée quand même pour un long moment. On n’envisageait pas qu’il puisse nous être repris ce qui nous était affecté, on sait maintenant que c’est possible. Il y a un recul du ministère aujourd’hui, mais Bercy n’a pas dit qu’il annulait les économies du ministère de l’Education nationale, donc les économies vont être faites d’une façon ou d’une autre».

«A mon avis, cette phase-là laissera des traces dans ce qui est essentiel, à savoir la confiance, confirme le proviseur adjoint parisien. Le principe qui veut que l’Etat vous donne des moyens pour fonctionner n’avait jamais été remis en cause, une fois que c’était donné, c’était donné. J’ai peur qu’à l’avenir, si on avance une proposition basée sur des heures supplémentaires, des professeurs nous répondent “on va nous les enlever, maintenant on sait que c’est possible”.»

Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, juge quant à elle que la reculade du ministère de l’Education «est la preuve que la pression qu’on a pu mettre depuis vingt-quatre heures a porté ses fruits et que ce n’est pas Bercy qui décide de tout. On se demandait s’il y avait un pilote dans l’avion, visiblement le ministère de l’Education a repris le manche et il va devoir le faire voler». Un vol rythmé par les turbulences, tant les contestations sont vives en ce moment, entre les groupes de niveau et l’appel à un plan d’urgence en Seine-Saint-Denis.

(1) Le prénom a été modifié.

Le MEN racle les fonds de tiroir pour finir l’année scolaire

Le café pédagogique vous informait hier, lundi 29 avril, que les HSE et IMP de la fin de l’année risquaient d’être compromises selon les informations que nous a fournies le SNUPDEN-FSU. Ce qui n’était qu’une « rumeur » devient réalité. Les quelques 692 millions que Bercy a demandé au ministère de l’Éducation nationale de rendre commencent à se faire sentir sur le terrain. C’est le cas dans les académies de Versailles, Créteil et Paris, où les services rectoraux ont d’ores-et-déjà informé les chefs d’établissement de leur territoire que « les dotations d’HSE qui ont été attribuées au titre de l’année 2023-2024 feront l’objet d’un ajustement ». Ajustement qui sera « notifié et retranscrit dans l’application ASIE, sans que soit remis en cause le principe de la rémunération des services faits », a précisé le rectorat de Créteil.

Des réunions prévues à Bordeaux, Grenoble et Toulouse laissent présager les mêmes annonces.

Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Que tous les projets ou dispositifs payés par le biais des HSE et IMP risquent de ne plus être rémunérés à partir du 2 mai. Le dispositif Devoirs faits, par exemple, payés via le Pacte ou des HSE, risque d’être mis à mal. Pour rappel, toutes les briques de pacte non utilisées ont été récupérées par l’administration le mois dernier.

Marc* est principal d’un petit collège, les projets portés par les enseignant·es de son établissement sont en péril selon lui. « Je n’ai plus ni heures ni pactes à distribuer », explique-t-il. « Certains avaient anticipé les pactes jusqu’à la fin de l’année, ce n’est pas le choix que nous avions fait ».

Alors que les groupes de niveau/besoin font l’unanimité contre eux et que beaucoup s’interrogent sur la possibilité de les financer, ce nouveau coup de rabot risque d’attiser la colère – déjà vivace – des équipes éducatives.